quinta-feira, 5 de maio de 2005

"Un traitement pénal démesuré des infractions sexuelles"

Cela ne s'explique-t-il pas par le risque de récidive des criminels sexuels ?
Les auteurs d'infractions sexuelles ne sont absolument pas ceux qui récidivent le plus. Des études sérieuses ont montré que le taux de réitération des crimes sexuels était faible (environ 2 % des condamnés), le taux de récidive des délits sexuels (14 %) étant bien moindre qu'en matière de violences volontaires (33 %). Pour ce type d'infractions, la France est le pays le plus répressif du continent européen, tant du point de vue de la durée moyenne d'incarcération que du taux de détenus condamnés, plus de la moitié des crimes jugés par les cours d'assises étant des affaires de viol.
Le nombre de dénonciations a, c'est vrai, particulièrement augmenté depuis un quart de siècle ­ 25 000 crimes et délits sexuels sont dénoncés chaque année. Mais beaucoup ne le sont pas : la délinquance sexuelle est bien une délinquance de l'ombre. S'il est certain que nos contemporains sont très sensibles à ce type d'infractions, il est actuellement impossible d'affirmer avec rigueur qu'il y en a réellement plus qu'autrefois.


Comment expliquer alors la radicalisation de la répression ?
Il existe aujourd'hui, même si ce n'est pas facile à entendre, un traitement pénal démesuré des infractions sexuelles. Souvent, les règles élémentaires de présomption d'innocence et d'examen des preuves ne sont pas respectées, on l'a vu au procès d'Outreau. Il y a une espèce d'assourdissement de la justice pénale face à la clameur publique, l'hyper-répression de cette criminalité étant une des facettes de ce que Denis Salas nomme le "populisme pénal" -Le Monde du mardi 3 mai-.
L'utilisation de la loi comme simple outil de communication, le recours croissant à ce que Pierre Mazeaud, le président du Conseil constitutionnel, a nommé "des lois d'affichage" , traduit une surenchère démagogique bien plus que l'intérêt du législateur pour l'application effective des dispositions votées. En voulant répondre à l'attente des victimes, on tolère une inquiétante déshumanisation des auteurs, systématiquement assimilés à des"monstres" , à des "prédateurs" . Comme pour la viande bovine, on parle de leur "traçabilité" au moyen d'un fichage spécial et d'une éventuelle surveillance électronique mobile.
Cette démesure pénale est aussi perceptible dans le renversement des valeurs. Plus sévèrement condamné, en particulier quand il a été commis sur mineur, le meurtre psychique qu'est le viol semble, plus que le meurtre physique, être devenu le crime absolu. C'est une évolution majeure que le "Tu ne tueras point" soit remplacé, après plusieurs millénaires, par le Noli me tangere : "Ne me touche pas."

In Le Monde - Entrevista com Xavier Lameyre, magistrado e professor na Escola nacional da magistratura francesa

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