Poète, essayiste, mémorialiste, engagé dans la lutte contre l'esclavagisme, démissionnaire de l'éducation parce qu'il ne voulait pas battre ses élèves, emprisonné pour n'avoir pas volontairement payé ses impôts, refuse sa libération et le paiement de la caution qui l'aurait permise. Vit un temps en solitaire dans une cabane en forêt.
Personne n'est juste grâce à la loi
Je pense que nous devons d'abord être des hommes, des sujets ensuite. Le respect de la loi vient après celui du droit. La seule obligation que j'aie le droit d'adopter, c'est d'agir à tout moment selon ce qui me paraît juste. On dit justement qu'une corporation n'a pas de conscience ; mais une corporation faite d'êtres consciencieux est une corporation douée d'une conscience. La loi n'a jamais rendu les hommes plus justes d'un iota ; et, à cause du respect qu'ils lui marquent, les êtres bien disposés eux-mêmes deviennent les agents de l'injustice. Le respect indu de la loi a fréquemment ce résultat naturel qu'on voit un régiment de soldats, colonel, capitaine, caporal, simples soldats, artificiers, etc., marchant en bel ordre par monts et par vaux vers la guerre, contre leur volonté, disons même contre leur sens commun et leur conscience, ce qui complique singulièrement la marche, en vérité, et engendre des palpitations. Ils ne doutent pas que l'affaire qui les occupe soit une horreur ; ils sont tous d'une disposition paisible. Or que sont-ils devenus ? Des hommes le moins du monde ? ou des petits fortins déplaçables, des magasins d'armes au service de quelque puissant sans scrupule ?
La Désobéissance civile (1848), trad. G. Villeneuve, Mille et une nuits, département de la librairie Arthème Fayard, 1996.
(Extraído de Michel Onfray, Antimanuel de Philosophie)