segunda-feira, 12 de fevereiro de 2007

Le Conseil d'Etat s'efface derrière la justice européenne

Le réchauffement climatique a eu, jeudi 8 février, une conséquence inattendue : un nouveau transfert de la souveraineté française au niveau européen.
C'est en effet à l'occasion d'un arrêt sur la légalité du système de quotas d'émission de gaz à effet de serre, conséquence de la mise en oeuvre par l'Europe du protocole de Kyoto, que le Conseil d'Etat a renoncé à contrôler la constitutionnalité de certains actes, dès lors qu'un texte européen s'interpose entre la Constitution et un texte d'application français. Comme le Conseil constitutionnel avant lui, qui avait décliné le 10 juin 2004 le contrôle de constitutionnalité d'une loi transposant une directive (Le Monde du 17 juin 2004), le Conseil d'Etat octroie désormais aux textes européens une véritable "immunité constitutionnelle".

La question soulevée par les producteurs d'acier, au premier rang desquels on trouve la société Arcelor, était pourtant de celles que le Conseil d'Etat avait toujours tranchées jusqu'alors. Le décret du 19 août 2004, modifié par celui du 25 février 2005, méconnaît-il le principe d'égalité ? Selon ce texte, les entreprises relevant de secteurs concurrents, notamment du plastique et de l'aluminium, et émettant des quantités équivalentes de gaz à effet de serre à l'industrie sidérurgique, ne sont pas assujetties au système des quotas.

La décision du Conseil d'Etat est d'autant plus spectaculaire qu'en l'espèce, le juge suprême administratif estime que les plaignants ont raison de soulever le principe constitutionnel d'égalité et que la directive est donc inconstitutionnelle. "Il ressort des pièces du dossier que les industries du plastique et de l'aluminium émettent des gaz à effet de serre identiques (...) et que ces industries produisent des matériaux (...) qui sont en situation de concurrence avec ceux produits par l'industrie sidérurgique", a développé le commissaire du gouvernement.

Mais plutôt que de sanctionner le décret, et donc indirectement d'invalider la directive, le Conseil d'Etat a choisi de faire trancher cette question par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), en lui posant une question préjudicielle.

Le commissaire du gouvernement a longuement défendu ce revirement de jurisprudence du Conseil d'Etat. Il a notamment estimé que "toute divergence avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel (du 10 juin 2004) risquerait d'être perçue comme une position de défiance envers le juge communautaire", engageant même, "à l'échelon de la Communauté européenne, la guerre des juges". Le commissaire du gouvernement a donc invité les juges de l'assemblée du contentieux du Conseil d'Etat à "témoigner de (leur) absence de réserve à mettre en pratique cette nouvelle forme de contrôle juridictionnel".

Le renoncement du Conseil d'Etat à sanctionner la directive s'appuie sur la conviction que la CJCE offre une protection équivalente à celle offerte par les juges français.

Le Conseil d'Etat se réserve d'ailleurs la possibilité, dans le futur, de reprendre ses droits si un principe constitutionnel français n'était pas garanti par un principe général du droit communautaire équivalent. Le Conseil constitutionnel avait fait de même, se réservant le droit d'interdire la transposition d'une directive qui violerait "un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France".

En l'espèce, la suspicion de violation de la Constitution française par la directive a été requalifiée en violation du droit européen par le Conseil d'Etat. Mais que se passera-t-il si la CJCE ne l'entendait pas ainsi ? Le Conseil d'Etat prend le risque qu'une "guerre des juges" soit engagée si la Cour de justice des communautés européennes ne sanctionnait pas la directive incriminée sur les quotas d'émission de gaz carbonique.

Enfin, le même jour, le Conseil d'Etat a rendu un second arrêt qui enracine, lui aussi, encore davantage le droit international dans la vie quotidienne des citoyens français. Le juge administratif a en effet, pour la première fois, accordé réparation à un administré qui avait invoqué le non-respect par les textes français d'une convention internationale, européenne en l'occurrence. Déjà en 1989, dans l'arrêt Nicolo, le Conseil d'Etat avait annulé un décret pris en application d'une loi qui contredisait une directive. Désormais, le Conseil d'Etat accepte de réparer le préjudice subi.

Christophe Jakubyszyn


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