sábado, 6 de novembro de 2004

Et les fonctionnaires est-ce qu'ils peuvent bloguer eux ?

Juriscom.net, Benoît Tabaka
édité sur le site Juriscom.net le 02/11/2004
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Si les blogueurs français, salariés du secteur privé, doivent s’abstenir de porter atteinte à la réputation de leur société – comme l’indiquait récemment le blogueur (blagueur ?) Cédric Manara, des règles identiques sont également susceptibles de s’appliquer aux agents de la fonction publique.

Rarement abordé d’un point de vue de la théorie du droit, l’usage par les fonctionnaires de l’outil internet est bien présent. Listes de discussion, sites personnels et dorénavant blogs sont autant de supports usités par les agents des diverses fonctions publiques.

Pourtant, cet usage n’est pas sans risques. En effet, les obligations déontologiques auxquelles ces derniers sont soumis demeurent applicables à leurs activités dématérialisées (à ce sujet, voir B. Tabaka, l’internaute-fonctionnaire face à ses obligations déontologies, LPA, 25 juin 2004). Obligation de neutralité ou devoir de réserve sont autant de principes qui régissent l’expression du fonctionnaire sur la toile mondiale.

Arrêtons nous quelques instants sur le devoir de réserve. De construction totalement jurisprudentielle, cette obligation se définit comme l'obligation faite aux fonctionnaires d'user de mesure et de retenue à l'occasion de l'expression publique de leurs opinions, de manière à ce que l'extériorisation de ces opinions, notamment politiques, soit conforme aux intérêts du service public et à la dignité des fonctions occupées.

La jurisprudence administrative est venue entourer cette obligation : elle n’est opposable à l’agent public que vis-à-vis de propos tenus publiquement et s’apprécie de manière moins stricte lorsque les propos sont tenus par des agents investis de responsabilités syndicales.

En pratique, l’agent public devra éviter de publier sur son blog tout propos susceptible de porter atteinte à la dignité des fonctions qu'il exerce et plus généralement aux pouvoirs publics. Tel est le cas par exemple des critiques visant ses supérieurs hiérarchiques ou son administration, injures ou diffamation à l’encontre d’internautes, etc.

Y a-t-il une échappatoire pour l’agent qui souhaite passer outre cette limite ? L’unique jurisprudence en la matière (TA Dijon, référé, 17 novembre 2003, Bertrand L.) a suspendu la sanction prononcée par un maire à l’encontre d’un agent municipal qui n’avait pas conservé toute la retenue qui s’impose à l’encontre de la politique des élus locaux. La raison invoquée par les magistrats était relativement simple : l’agent avait utilisé un pseudonyme sur le site contestataire. Le pseudo protège-il donc le fonctionnaire ? La jurisprudence doit encore être confirmée, mais il semble que les juges ne feront pas forcément ce pas dès lors que le devoir de réserve est issu des principes de loyauté et de subordination hiérarchique qui eux planent sur la tête de l’agent public, même derrière un nom d’emprunt.

Au final, c’est un conseil de prudence qu’il est nécessaire de prodiguer aux agents publics souhaitant bloguer. De même, ils devront être vigilants aux propos référencés ou reproduits dans leurs blogs : la jurisprudence administrative a déjà retenu la responsabilité disciplinaire de l’agent public qui avait publié dans son journal un dessin diffamatoire réalisé par une autre personne.

Benoît Tabaka
Chargé d’enseignements à l’Université de Paris V – René Descartes
Membre du Comité éditorial de Juriscom.net et « blogueur-public »

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